128 s, renkli resimler, sert kapak ciltli, Fransızca/Farsça çiftdilli.
Avant d’être les protagonistes de la vague verte, le mouvement de contestation, sans précédent, aux fraudes électorales de 2009 qui ébranla la société iranienne, en déstabilisant le régime islamique, et à qui les printemps arabes emboîtèrent le pas, Zahra Rahnavard et Mir Hossein Moussavi étaient tous deux écrivains, peintres et sculpteurs. Deux artistes engagées dans la révolution de 1979 en tant que révolutionnaires, puis hommes et femmes politiques, avant de devenir des emblèmes d’espoir pour toute une génération rêvant de liberté et de changement. Le couple, considéré comme dissident par le régime, a été finalement assigné à résidence, et depuis douze ans, le peuple iranien n’a eu de leurs nouvelles que par le biais de quelques photos prises à l’improviste dans la cour de leur maison située dans la rue de l’étoile (Kuche ye Akhtar), devenue une impasse. Pourtant, avant les évènement de 2009, Mir Hossein Moussavi et Zahra Rahnavard étaient loin d’être des ennemis de la révolution. Moussavi étant même le jeune premier ministre de l’époque de l’Imam Khomeiny, il était réputé être l’un des favoris du guide suprême, fondateur de la république islamique. Pourtant déjà à cette époque où il fréquentait de près le sommet du pouvoir, pendant la guerre Iran-Irak, il était aussi connu pour d’autres raisons que la politique. Parmi les noms des artistes modernistes des années 60 en Iran, le nom de Mir Hossein Moussavi apparaît en bonne place. Diplômé d’architecture à l’université nationale iranienne, il est également peintre et journaliste et détient à son actif plus d’une centaine de tableaux exposés à travers tout le pays.
En réaction à l’école traditionaliste du « Saghâ khaneh », les modernistes iraniens dont fait partie également la jeune sculptrice Zahra Rahnavard, ont fait une percée dans le monde artistique iranien. Après la révolution de 1979 et pendant la guerre Iran-Irak, aucun des deux artistes n’est tombé dans le piège des œuvres figuratives glorifiant la guerre sacrée ou les martyrs de guerre iraniens. Leur travail artistique est un mélange spirituel subtil s’inspirant de l’Orient tout en se référant aux artistes occidentaux. Mir Hossein Moussavi, après la révolution, sera tour à tour rédacteur en chef du journal « la république islamique », puis ministre des affaires étrangères et le dernier Premier ministre en Iran, avant la suppression définitive de ce poste dans la république islamique (1981 à 1989).
Zahra Rahnavard, féministe, universitaire, artiste et femme politique iranienne, rencontre Mir Hossein Moussavi en 1969, lors d’un vernissage des toiles qu’elle expose. Après la révolution de 1979, ses sculptures seront exposées dans des lieux prestigieux, notamment « la jonquille des amoureux » installée sur la place « de la mère » à Téhéran. Elle est également la première femme nommée chancelière d’université en Iran après la révolution islamique.
En 2009, après dix années de présidence à l’Académie iranienne des arts, Mir Hossein Moussavi décide de se présenter à l’élection présidentielle, soutenue par son épouse et la majorité des réformateurs iraniens. Son souhait est de faire barrage à Mahmoud Ahmadinejad, un conservateur, élu en 2005, très controversé en Iran et à l’étranger à cause de ses prises de position radicales, et soutenu fermement par le deuxième guide de la république islamique, Ali Khamenei, qui tient fermement dans ses mains les rênes du pouvoir depuis la mort de Khomeiny. Le 13 juin 2009, des centaines de milliers d’Iraniens, stupéfaits par le résultat de l’élection présidentielle, descendent dans les rues pour dénoncer la victoire annoncée de Mahmoud Ahmadinejad.
Mir Hossein Moussavi, le grand favori aux présidentielles, et partisan de réformer les institutions, dénonce aussitôt des fraudes massives et s’oppose aux résultats des élections. Après plusieurs mois de contestations et de manifestations dans les rues de Téhéran, le mouvement sera réprimé dans le sang et les dirigeants de la vague verte, Mir Hossein Moussavi, Zahra Rahnavard et Mehdi Karoubi et d’autres conservateurs, activistes et étudiants arrêtés et emprisonnés ou assignés en résidence surveillée. Lorsqu’en 2011, les autorités iraniennes, sans inculpation ni jugement, assignent le couple en résidence surveillée, un retour aux sources allait de soi pour les deux artistes.
Dans l’absence de tout lien avec le monde extérieur, même de la famille proche dans un premier temps, et n’ayant qu’un accès très limité à la télévision de l’état gangrénée, quant à elle, jusqu’au cou par la propagande du régime, pendant les premières années de la résidence surveillée, il était extrêmement difficile pour le couple d’avoir des nouvelles véridiques de ce qui se passait dans le pays ou dans le monde. Placés sous une surveillance très sévère, avec des caméras et des micros installés ou cachés dans tous les coins de leur maison, les deux époux ne peuvent même pas communiquer ensemble ou avoir une vie privée qui ne soit pas épiée par leurs geôliers. Ces journaux, ces chroniques, ces dessins, ces messages raturés tout de suite après avoir été écrits et lus, étaient autant d’œuvres composés à quatre mains leur permettant de communiquer ensemble tout en établissant un lien entre leur esprit, leur imagination et le monde extérieur. De nombreuses références sont faites à l’univers de grands artistes iraniens (Syah Ghalam, Sultan Mohammad ou Reza Abbassi, trois grands maîtres de la miniature persane, respectivement du XVème, XVIème et XVIIème siècles) et aux grands artistes peintres étrangers, ainsi qu’aux personnages de la mythologie perse, comme Rostam (le grand héros de l’épopée de Ferdowsi, le livre des Rois), Arash l’archer (figure héroïque de la mythologie antique perse), le simorgh (oiseau fabuleux mythique habitant sur le mont légendaire Qaf), les contes de Calila et Dimna (recueil de fables animalières remontant à l’antiquité indienne et très célèbre au Moye-âge, inspirant une partie des fables de La Fontaine), Shirine et Farhad (Histoire d’amour légendaire de la poésie classique persane)…
Douze années ont passé et pour la première fois, les dessins et les écrits inédits de Zahra Rahnavard et Mir Hossein Moussavi, tous datant des deux premières années de privation de leur liberté, sont publiées en forme de chroniques, à l’extérieur de l’Iran, alors que tous deux sont encore détenus chez eux, situé dans la rue de l’étoile à Téhéran, par les autorités iraniennes sans aucun procès ni jugement. Le livre que vous avez entre les mains est un témoignage visuel de l’histoire contemporaine de l’Iran à travers la technique artistique du couple politique le plus emblématique du début du XXIème siècle iranien, devenu depuis 2009 l’emblème de la résistance de tout un peuple face à l’oppression.